Que s’est-il passé au cours du dernier trimestre en matière de participation citoyenne en France ? Je réalise une veille pour me tenir informé des actualités en matière de démocratie participative chaque trimestre. Je la partage ci-dessous.
Période de la veille : juillet-septembre 2022.
LES ACTUALITÉS DU TROISIÈME TRIMESTRE DE 2022
Création d’une direction de la participation citoyenne au CESE : La Gazette des communes en profite pour faire un entretien avec sa directrice, Marianne Escurat.
Convention citoyenne sur la fin de vie : Le gouvernement français a annoncé le lancement d’une convention citoyenne sur ce sujet. Elle sera pilotée par le CESE. source
Décider ensemble a créé un prix pour récompenser une enquête journalistique sur la démocratie et la participation citoyennes. source et résultats
Décider ensemble a publié un référentiel des institutions (associations ou entreprises) Civic-tech en France sous la forme d’un tableur.

La Gazette des communes a recensé ses articles sur l’encadrement juridique des démarches participatives dans un dossier : « L’innovation publique par le droit », dont :
- « Les conventions citoyennes à l’épreuve du RGPD et de la commande publique »
- « Les conventions citoyennes à l’épreuve du droit des consultations facultatives »
RETOURS D’EXPÉRIENCES
Besançon : L’Est Républicain fait le point sur les deux derniers outils participatifs utilisés par la municipalité (budget participatif et pétition citoyenne). source
Bruxelles (Belgique) : « Les assemblées citoyennes, c’est Oui-Oui fait de la politique »: la démocratie participative sous le feu des critiques à Bruxelles.
Lanester : A l’occasion de la sortie du livre La fin de la démocratie ?, Le Télégramme a interviewé Jan Spurk : « La démocratie participative à Lanester vue par le sociologue Jan Spurk ».
Raismes : La Gazette des communes présente la démarche de démocratie participative à Raismes : « Raismes 2032 », participons.ville-raismes.fr, le Rlab. source
INSPIRATIONS : IDÉES, OUTILS ET PROCESSUS
BePART: Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, la Conférence des Organisations internationales non-gouvernementales et la Division des élections et de la démocratie participative du Conseil de l’Europe ont développé une plateforme en ligne pour promouvoir la participation civile. Ce forum s’adresse aux autorités locales et régionales, ainsi qu’aux organisations de la société civile, qui peuvent y présenter des exemples de participation citoyenne et échanger dessus.
Conseil des étrangers (Montpellier) : Jean-Dominique Delaveau (élu à Montpellier délégué à la démocratie participative et inclusive) explique les raisons de la création et le fonctionnement d’un Conseil des étrangers à Montpellier. source
Consulter des citoyens pour nourrir son travail de député : Véronique Riotton (député d’Annecy) a lancé « Les citoyens engagés ». C’est un dispositif participatif dans lequel 50 citoyens volontaires et 50 citoyens tirés au sort pourront formuler des propositions (sur divers sujets tels que l’éducation, la jeunesse, le sport, la santé, etc.) pour nourrir le travail de la député à l’assemblée. source presse, explication de la démarche par la député
Décider des projets du mandat avec les citoyens (La Chapelle-au-Riboul) : L’exécutif municipal a décidé de consulter ses administrés pour déterminer les projets de la commune pour les années à venir. source
Décider de la création d’une police municipale par un vote citoyen (Rezé) : La municipalité de Rezé a promis la création de huit postes supplémentaires sur la voie publique. Elle a décidé de laisser les habitants choisir le type de poste (ASVP, médiateurs, policiers municipaux) par un vote le 2 octobre. source
Documentaire de la CNDP « Ma parole a du pouvoir ? » : La CNDP a produit une vidéo de 20 minutes afin de présenter son rôle dans le débat public.

Saisie citoyenne au Conseil de développement (Mulhouse). Le Conseil de développement a créé la possibilité de saisie citoyenne. source
A l’étranger :
- Une ministre qui discute avec des citoyens tirés au sort (Allemagne) : Annalena Baerbock, ministre des Affaires étrangères allemande, sillonne le pays pour discuter de la stratégie du gouvernement « feu tricolore » à l’étranger. Sur chaque lieu de rencontre, elle dialogue avec cinquante personnes tirées au sort sur des questions de politique énergétique, d’armement et de défense. Il est prévu que les participants formulent par la suite des propositions à destination du ministère. source
- Pétitions au Luxembourg une année record en termes de nombres de pétitions reçues. La Chambre des députés a reçu 428 pétitions durant l’année parlementaire 2021-2022. Virgule fait le point sur ces pétitions publiques.
ZOOM SUR : le Conseil national de la refondation
Le gouvernement français a lancé le 8 septembre un Conseil national de la refondation dont l’objectif est de « regarder en face la demande démocratique » selon Emmanuel Macron. Présentation par le gouvernement ; présentation par la presse : Le figaro, Le monde
« Chacun est invité à participer à la concertation menée dans le cadre du CNR. Citoyens, associations, professionnels, élus peuvent échanger leurs idées et proposer des solutions sur les grandes transitions à venir du pays. »
source : vie-publique.fr
Quelques réactions :
- Conseil national de la refondation : quatre questions sur la nouvelle instance voulue par Emmanuel Macron
- Conseil national de la refondation : « Reconnaissons au Parlement toute sa place », proteste Gérard Larcher
- Jean-Thomas Lesueur : « Le Conseil national de la refondation ou l’illusion de la démocratie participative »
- Thierry Beaudet : « Le contrat avec les participants au Conseil national de la refondation doit être établi clairement »
LE DÉBAT : Faut-il en finir avec la démocratie participative ?
Et si la démocratie participative était inutile ?
Manon Loisel et Nicolas Rio ont publié une tribune intitulé « Faut-il en finir avec… la démocratie participative? » dans Médiacités (voir aussi « Il faut briser les tabous de la participation citoyenne » – Manon Loisel et Nicolas Rio). Cette tribune a fait du bruit dans le monde de la concertation et de la participation française.
Selon les auteurs :
Les idées sur la démocratie | Leurs constats et leurs conclusions |
La démocratie participative vise à réduire les inégalités de participation. | Mais ce sont les citoyens les plus insérés dans la démocratie représentative qui participent aux dispositifs participatifs. Donc, les dispositifs participatifs creusent les inégalités dans la participation politique au lieu de les réduire. |
La confrontation des intérêts est un aspect primordial de la démocratie. | Les élus considèrent les citoyens comme un bloc homogène, et les dispositifs sont tournés vers la production d’avis consensuelle. Donc, il y a peu de place pour le conflit et la politisation des sujets dans les dispositifs participatifs. |
La démocratie participative doit améliorer la confiance entre les citoyens et leurs représentants. | Les citoyens participent en pensant qu’ils exerceront une influence sur les choix politiques mais ils n’en ont souvent pas. Donc, les dispositifs participatifs entraînent encore plus de défiance de la part des citoyens vers leurs représentants. |
Ils en concluent donc que la démocratie participative entraîne des effets pervers, même s’ils disent ne pas remettre en cause le bienfondé de celle-ci.
Et si la démocratie participative était au service des gouvernants plutôt que des gouvernés en « domestiquant » ces derniers ?
« La démocratie « participative » … un piège à « gogos » ? ». Dans cette tribune, Marcel Monin affirme que la démocratie participative est une nouvelle technique de manipulation des gouvernés par les gouvernants :
« Espaces qui sont moins dangereux pour les tenants du régime en voie d’installation, que la descente dans la rue ou l’occupation des ronds-points. Et dans lesquels les gens conviés, calmes, polis et ayant accepté le rôle, sont fiers d’avoir été choisis. Et sont contents de s’exprimer (surtout si le président de la République est présent à ce moment-là et peut s’y faire applaudir en déclarant à ces fins ce que l’auditoire attendait d’entendre). Participants qui sont ravis de croire que leur bonne volonté et leurs propositions orales ou écrites serviront à quelque chose. »
Catherine Neveu s’était intéressée aux liens entre mouvements sociaux et démocratie participative dans un article de recherche de 2011 : « Démocratie participative et mouvements sociaux : entre domestication et ensauvagement ? »
Et si la démocratie participative favorisait le consumérisme politique ?
« Souvenirs et réflexions du spin doctor nantais Guy Lorant ». Dans cet interview en raison de la sortie d’un livre de l’interviewé, Guy Lorant énonce :
« Quant à faire de la démocratie participative le « nec plus ultra » de la politique, c’est problématique : la politique reste une question d’offre et demander l’avis des citoyens sur tout et n’importe quoi risque de favoriser le consumérisme politique. »
OPINIONS & TRIBUNES
« Comment organiser une vraie participation citoyenne ? ». Cyril Lage (Cap Collectif et Purpoz) promeut l’idée d’associer tout le monde au même moment dans les décisions en utilisant le numérique.
« Démocratie par le droit ou démocratie par les voix : il va falloir choisir ». Pierre-Henri Tavoillot met en opposition démocratie par le droit ou une démocratie par les voix.
« La convention citoyenne sur l’euthanasie ou le calcul très politique d’Emmanuel Macron ». Benjamin Morel réagit au lancement d’une convention citoyenne sur la fin de vie par le gouvernement français. Il affirme qu’Emmanuel Macron a l’objectif de créer des débats pour focaliser l’attention dessus plutôt que sur d’autres sujets de mécontentement des Française et Français.
« Les trois grands sens de la démocratie ». Hatem M’rad (Tunisie) énonce qu’il y a trois types de démocratie : maximaliste (« l’ensemble des droits politiques, économiques et sociaux), minimaliste (l’opération électorale) et intermédiaire (les « différents mécanismes de débat public ») :
« Dans les trois grands types de démocratie—, maximaliste, minimaliste et intermédiaire – il s’agit toujours de la quête d’une meilleure identification entre peuples et élus, entre gouvernants et gouvernés, entre représentants et représentés, tantôt par une voie multidimensionnelle, tantôt par une voie procédurale, tantôt par le débat. »